Par Michel Abdallah Grimbert
Médine était une ville traditionnellement accueillante et tolérante composée essentiellement d’artisans, de commerçants et de guerriers qui veillaient aux biens des habitants. De nombreuses communautés juives ou chrétiennes y résidaient depuis longtemps. L’intégration des partisans émigrés de Mohammed appelés Muhâjirûn se fit sur le modèle d’une fraternité sans faille avec les convertis médinois, appelés Ansâr, les uns et les autres dévoués au service du Messager de Dieu.
L’arrivée triomphale du Prophète de Dieu devait s’accomplir dans la liesse des chants populaires et dans une ferveur attentive où toute la gestuelle prophétique était portée par la Grâce divine. Mohammed était accompagné de sa chamelle Qaswâ’, à laquelle il laissa choisir le site de sa première demeure qui devint ainsi la première mosquée à Qubâ, une oasis en périphérie de Médine. Le Prophète s’établit alors définitivement à Médine et il enseigna aux musulmans sa conception nouvelle de l’existence, des rituels et de la vie spirituelle. Il créa les institutions propres à instaurer une société fraternelle dégagée de tout principe ethnique ou de toute conception non monothéiste. Ainsi le Prophète de Dieu affirme, avec l’aide Dieu, le caractère propre et inédit de sa religion, ce que rend explicite les circonstances du changement de Qiblah que le nom de la Mosquée où priait le Prophète a retenu, puisqu’elle est surnommée « la Mosquée aux Deux Qiblah » : Masjid al-qiblatayn. En effet, la pratique constante du Prophète de Dieu était de se tourner vers Jérusalem pour prier, jusqu’au jour, au cours de la 2è année de sa présence à Médine, où Dieu, après ses demandes insistantes, lui indiqua pendant la Prière du Dhohr et sans interrompre celle-ci, de se tourner vers la Mecque. En effet, Médine étant au nord de la Mecque et au sud de Jérusalem, il se trouvait donc que pendant les Prières les musulmans tournaient désormais le dos à la Ka’ba ; ce qui leur était devenu insupportable.
Ce changement de Qiblah prouve aussi que quel que soit l’endroit où vous vous tourniez il y a la Face de Dieu (Wajh Allâh) ; et que dans l’ordre de la Sharî’ah tout est une question de Idhn : (II 142 à 144) « Qui donc les a détournés de la Qiblah vers laquelle ils s’orientaient ? Dis : L’Orient et l’Occident appartiennent à Dieu ; Il guide qui Il veut dans le droit chemin… Nous te voyons souvent la face tournée vers le ciel. Nous t’orienterons vers une Qiblah qui te plaira. Tourne donc ta face dans la direction de la Mosquée sacrée. » . D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, le nom adopté pour cette mosquée n’aurait pas rappelé cette circonstance particulière.
La deuxième grande institution collective qui structura définitivement la Communauté musulmane, fut l’instauration du Jeûne du mois de Ramadân qui recouvre l’ensemble des qualifications humaines tant individuelles qu’extra individuelles, dont le « modèle excellent » – uswatun hasanatun – est le Prophète de Dieu1, sur le Cœur duquel descendit le Qorân, Parole de Dieu indivise. Or ce Rappel : Dhikr2, fut révélé durant le mois de Ramadân qui ainsi est rattaché directement à Dieu.
Un Hadith Qudsî rapporté par Abû Huraira, dit à cet égard : « Allâh a dit : Tout acte du fils d’Adam lui appartient excepté le jeûne, car le jeûne est à Moi et c’est Moi qui en accorde la récompense. Le jeûne est protection. Lorsque c’est pour l’un d’entre vous jour de jeûne, qu’il ne tienne donc pas des propos indécents (grivois) et qu’il ne vocifère pas. Si quelqu’un l’insulte ou l’attaque, qu’il dise : Je suis en état de jeûne, je suis en état de jeûne ! Par Celui dans la Main de Qui se trouve l’âme de Mohammed, la mauvaise haleine du jeûneur est certes plus parfumée auprès d’Allâh que l’odeur du musc. Le jeûneur a deux joies : Lorsqu’il rompt le jeûne, il se réjouit de sa rupture, et lorsqu’il rencontre son Seigneur, il se réjouit de son jeûne. »
Toutefois et en toutes circonstances, le Prophète de Dieu avait pour souci, l’enracinement de la Révélation dans une Communauté solide et fraternelle. Et le premier Pilier de cette préoccupation fut la constitution de sa noble Famille, tant terrestre que spirituelle.
1 Qorân XXXIII 21 : « Vous avez dans le Prophète de Dieu, un bel exemple pour celui qui espère en Dieu et au Jour Dernier, et qui invoque souvent le nom de Dieu. »
2 Qorân XXXVIII 1 : « Sad. Par le Qorân, porteur du Rappel ! »