Par Michel Abdallah Grimbert
La Conquête pacifique du Sanctuaire sacré de la Mecque
Dès le mois de Mars de l’an 628, en réponse à une indication divine assurant au Prophète qu’il prierait à la Mecque : (XLVIII 27) « Oui, Dieu confirme la vérité de la vision accordée à son Prophète : Vous pénètrerez donc en sécurité dans la Mosquée sacrée, si Dieu le veut, la tête rasée et les cheveux coupés et vous n’aurez pas peur » ; celui-ci se mit alors en route pour accomplir le Pèlerinage (il s’agissait en l’occurrence d’une simple ‘Umrat), suivi par un millier de personnes environ en tenue d’Ihrâm. Les Qoraïchites les arrêtèrent à Hudaybiyyah à une dizaine de kilomètres de la Mecque. En attendant les résultats de la médiation confiée à ‘Uthmân, aux qualités de négociateur éminentes. Et ne le voyant pas revenir, s’inquiétant pour sa vie, les croyants prêtèrent individuellement serment de fidélité, d’allégeance à Mohammed qui, par procuration, prêta lui-même serment pour ‘Uthmân. Le Qorân fait ainsi état de cet événement : (XLVIII 18) « Dieu était satisfait des croyants quand ils te prêtaient serment sous l’Arbre (yubâï’ûnaka tahta ash-shajarat). Il connaissait le contenu de leurs cœurs. Il a fait descendre sur eux la Sakînah. » Cette Sakînah qui dévoile, c’est l’instillation des influx spirituels (instiller signifiant ici : faire naître) qui permettent à la Présence divine en nous de se manifester malgré les voiles dus à notre « Chute », que l’on nomme initiation ; qui s’établit selon une chaîne remontant à une Source identifiée, et qui appartiennent au domaine de l’Ihsân. Car la Foi : al-Imân, qui concerne des croyances indémontrables, nous le savons, par elle-même, ne modifie pas notre perception du monde et peut aveugler en voulant s’imposer sans discernement, sans Sagesse : Sakînah. Si nous résumons, la Foi certes transperce les nuages mais ne les dissout pas, comme seule le fait l’initiation.
Suite, finalement, aux accords passés, par l’intermédiaire de ‘Uthmân, qui imposaient une Trêve, le Prophète de Dieu et les croyants purent librement faire le Pèlerinage l’année suivante en l’an 629. La Profession de Foi retentit alors dans la vallée de la Mecque comme une Victoire et Bilal lança l’Appel à la Prière depuis le haut de la Ka’ba. Beaucoup de tribus et de mekkois furent alors convaincus. Dès l’année suivante prétextant une rupture de la trêve les musulmans marchèrent sur la Mecque et la conquirent sans opposition sérieuse. Cette année devint l’ « Année des Députations » car la majorité des tribus de l’Arabie se présentèrent en Délégations afin d’accepter officiellement l’Islâm, soit qu’ils se convertissent, soit qu’ils acceptent d’être placé sous son autorité.
Le terme « Ridwân » : Félicité, employé pour caractériser le Pacte d’Hudaybiyyah, indique quelque chose qui est accordé directement par Dieu. Il s’agit pour le croyant de Son agrément et non pas seulement d’un état obtenu par récompense. La félicité ici accordée est le retour à Dieu sans partage, sans voile. C’est une grâce ineffable (Ridwân), un bonheur éternel de la part de Dieu : (IX 73) « Dieu a promis aux croyants et aux croyantes des Jardins où coulent des ruisseaux. Ils y demeureront immortels… Mais la satisfaction de Dieu est préférable (wa ridwânun min Allâhi akbaru) ; voilà le bonheur sans limites ! ». Il ne s’agit ici, en aucun cas, d’un degré acquis mais uniquement donné par Dieu : Ineffable, comme est la Sakînah qui appartient au degré de l’Ihsân. Et tel est le Pacte de Dieu scellé avec son Prophète.
Le Pèlerinage d’Adieu et le Rappel à Dieu du Prophète en l’an 632 :
Au terme de la dixième année de l’Hégire le Prophète, au sommet de sa grandeur terrestre, suivi par une foule immense de pèlerins enthousiastes, entreprit de réaliser le Grand Pèlerinage, appelé, en l’occurrence, Pèlerinage d’Adieu ; dont il fixa pour toujours les formes immuables, en écartant tout ce qui était lié à l’idolâtrie. Il faut dire qu’en tant que descendant d’Hicham l’ancêtre éponyme de sa lignée (Âla), remontant par Ismaël à Adam, il connaissait parfaitement ce qui du Pèlerinage antique devait être préservé ou rénové.
A cette sublime occasion, divinement inspiré et porté par les clameurs qui l’accompagnaient, il fit, au 9è jour du mois de Dhû al Hidja au lieu du Mont ‘Arafât, monté sur sa chamelle Qaswâ, son noble Sermon où il rappela tous les principes de la Religion pour laquelle Dieu l’avait missionné. La répétition obsédante, au terme de chaque rappel des différentes prescriptions divines, de la question : « Ai-je bien accompli ma tâche ? C’est-à-dire : balaghtu, suivie des exclamations, en écho, de la marée humaine des pèlerins, fit surnommer ce Pèlerinage : Hajj al-balagh ou Hajj al-wada.
« Ô Gens, en ce jour le temps est revenu tel qu’il était le Jour où Allâh créa les cieux et la terre. Le nombre de mois lunaires aux Yeux d’Allâh est de douze. Ai-je bien transmis ? Mon Dieu, sois témoin !
Ô Gens, vos femmes ont des droits sur vous et vous avez des droits sur elles. Ai-je bien transmis ? Mon Dieu, sois témoin !
Ô Gens, votre Seigneur est unique et votre père est unique ; vous êtes tous issus d’Adam, et lui-même est issu de la terre. Le plus noble parmi vous est le plus pieux ; et aucun arabe n’a de mérite sur un non arabe sauf par la piété. Ai-je bien transmis ? Mon Dieu, sois témoin !
Ô Gens, que les présents d’entre-vous transmettent à ceux qui ne sont pas présents ; car ceux-ci seront parfois plus perspicaces et obéissants que vous. Ai-je bien transmis ? Mon Dieu, sois témoin ! »
Lorsque le Prophète de Dieu eut accompli sa Mission : Muhimmat, sa maladie commença à se déclarer dans la Maison de Maymunah, trois mois après son Pèlerinage béni ; c’était au terme du mois de Safar, deuxième mois de la onzième année de l’Hégire. Il resta, tout d’abord, malade durant treize jours, au cours desquels il se partageait entre les appartements de ses épouses. Mais quand la maladie s’aggrava il obtint de ses autres épouses le droit de résider chez ‘Aïcha.
Puis ne pouvant plus sortir pour la Prière, il dit : « Dites à Abû Bakr de diriger la Prière des croyants. » Devant l’affliction sincère des gens il sortit à leur rencontre, appuyé sur ‘Alî et Al-Fadhl et leur dit : « Ô Gens, il m’a été rapporté que vous appréhendez la mort de votre Prophète. Or y a-t-il un prophète envoyé avant moi par Allâh, qui soit resté éternel, pour que je le reste moi aussi ? Sachez que je vais rejoindre mon Seigneur et que vous allez me rejoindre auprès de Lui. Je vous recommande de prendre soin des premiers Muhâjirines. Je vous recommande également de prendre soin des Ansâr, car ce sont eux qui ont porté les premiers le devoir d’asile et la foi. Ne vous ont-ils pas préféré à eux-mêmes alors qu’ils étaient dans le besoin ? »
La matinée de ce jour du 12 Rabî al-Awwal, soit le 8 juin 633, n’était pas achevé que le Prophète de Dieu avait quitté ce bas-monde. Il revint à Abû Bakr qui venait de découvrir le visage illuminé du Prophète de Dieu, d’annoncer la mort du Prophète béni à la Communauté des croyants très éplorée et affligée. Il dit alors :
« Celui qui adore Mohammed, qu’il sache que Mohammed est mort, et celui qui adore Allâh, qu’il sache qu’Allâh est Vivant et ne meurt pas ».
Il récita ensuite : (XXXIX 30) « Te voilà mort, et eux aussi sont vraiment morts.»
Et : (III 144) « Mohammed n’est qu’un prophète ; des prophètes ont vécu avant lui. Retourneriez-vous sur vos pas, s’il mourrait ou s’il était tué ? Celui qui retourne sur ses pas ne nuit en rien à Dieu ; mais Dieu récompense ceux qui sont reconnaissants. »
Ainsi s’achève ce que l’on a coutume d’appeler : La « Sîrat Rasûl Allâh ».