
Al-Ghazâlî distingue 3 degrés dans le jeûne :
- Le jeûne du commun : l’abstention de se livrer aux désirs du ventre et du sexe
- Le jeûne de l’élite y ajoute : préserver l’ouïe, la vue, la langue, les mains, les pieds,… de ce qui est néfaste pour le cheminement spirituel
- Le jeûne de l’élite de l’élite y ajoute : le jeûne du cœur qui se détourne des préoccupations mondaines et des pensées vaines et qui fuit toute autre orientation que celle vers Allah.
Toujours selon al-Ghazâlî, le jeûne de l’élite, qui est celui des êtres pieux et vertueux (salihun) est rendu parfait par 6 conditions :
- Se soustraire à la considération de tout ce qui est blâmable et réprouvé et de tout ce qui préoccupe le cœur et le distrait du souvenir de Dieu.
- Retenir sa langue du bavardage, du mensonge, de la calomnie, de la médisance, de la tenue de propos indécents, du mauvais comportement, de la dispute, de la contradiction. Jâbir rapporte d’Anas ibn Mâlik le hadith suivant du Prophète : « Cinq comportements font rompre le jeûne : le mensonge, la calomnie, les propos malveillants, le serment fallacieux et le regard de convoitise »
- Ne pas écouter ce qui est réprouvé. Coran : « ceux qui écoutent attentivement le mensonge sont des mangeurs impénitents de biens illicites » (Coran 5;68)
- Empêcher les membres (mains, pieds) d’accomplir des actes réprouvés.
- Rompre le jeûne en mangeant modérément, l’heure venue et s’abstenir de beaucoup dormir durant le jour.
- Ressentir la crainte révérencielle devant l’incertitude de savoir si le jeûne sera agréé par Dieu
- Esprit du Ramadan
Le jeûne sans sincérité, sans vigilance ni intention de tendre vers la perfection du comportement n’est d’aucun profit spirituel pour le jeûneur, il n’est pas agréé et est même considéré comme nul auprès de Dieu :
Hadîth d’après Abû Hurayra : « Celui qui ne renonce ni à proférer des mensonges ni à agir trompeusement, Dieu n’a nul besoin qu’il se prive de boire ou de manger » (1903, Boukhârî).
L’obligation du jeûne n’exclut pas la miséricorde :
D’après Abû Hurayra : « Un homme vint voir le Prophète (psl) et lui dit : « Ô Envoyé de Dieu, je suis perdu ! – Qu’as-tu ? lui demanda le Prophète. – J’ai eu commerce avec ma femme alors que j’étais en état de jeûne, répondit-il. – As-tu un esclave que tu peux affranchir ? demanda l’Envoyé de Dieu.- Non, répondit l’homme. – Es-tu capable de jeûner deux mois de suite ? _ Non. – As-tu de quoi donner à manger à 60 pauvres ? – Non. » – L’homme était resté là, quand on apporta au Prophète une corbeille de dattes. – « où est l’homme qui vient de me questionner, interrogea le Prophète ? – Me voici, répondit l’homme. – Prends cette corbeille, dit le Prophète et fais aumône de son contenu. – Cette aumône, interrogea l’homme, doit-elle être faite à plus pauvre que moi ? Je jure par Dieu qu’il n’y a pas, entre les deux champs de pierres de Médine, une seule famille qui soit plus pauvre que la mienne. » Le Prophète se mit à rire au point qu’il découvrit ses dents, puis il dit : »Eh bien donne ces dattes à manger à ta famille. » (1936, Boukhârî)
D’après Jâbir Ibn Abdallah : « […] Ce n’est pas un acte de piété que de jeûner en voyage »
Jeûne et non-jugement
D’après Anas Ibn Mâlik : «Quand nous étions en voyage avec le Prophète, celui qui jeûnait n’adressait aucun blâme à celui qui rompait le jeûne, pas plus que celui qui rompait le jeûne à celui qui jeûnait » (1947, Boukhârî)
Ibn Arabî dans les Futuhat :
« Allah S’est attribué le jeûne et en a dépouillé le jeûneur, bien qu’Il lui ait donné l’ordre de jeûner. Il convient donc que le jeûneur regarde vers son Seigneur durant toute la durée de son jeûne afin de réaliser pleinement sa qualification et de ne pas en être diverti. Dieu ne S’attribue le jeûne que s’il est authentique ; il ne l’est que dans la forme qu’Allah a prescrit au jeûneur de réaliser. Si ce dernier ne jeûne pas de la manière qui a été définie par la Loi, il n’est pas jeûneur et, en ce cas, il n’y a pas de jeûne qu’Allah puisse lui « rendre » [ou dont il puisse payer le « prix » ou le « récompense]. Il peut se faire en effet que le jeûneur imagine être tel alors qu’il accomplit pendant le jeûne des actes qui le disqualifient, comme la calomnie : en ce cas, il rompt son jeûne bien qu’il s’abstienne de manger. […] Que le jeûneur soit attentif à ce point, car il s’agit de préférer Dieu à soi-même ».
Conclusion
Abd el Qadir al Jilani (raa) a dit: « Le mois de Ramadan est aussi important que le cœur dans le corps ou un prophète parmi les hommes. »
Bibliographie
- Ibn Arabî, Textes du le jeûne traduits et présentés par Charles-André Gilis
- Al-Ghazâlî, Les secrets du jeûne en islam